Extrait
Le Destin des Cœurs
perdus Tome 4 :
La SOeur Maudite
de Castel Dark
Quelques minutes plus tard, l’enfant poussait son premier cri. Une des matrones coupa le cordon ombilical, l’autre s’occupa de nettoyer le petit. Peu préoccupé par son bras couvert de morsures, Clayton déposa un baiser sur le front d’Isolde.
— Notre fils est magnifique, mais si tu devais souffrir autant à la prochaine naissance, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que cela n’arrive plus. Ta vie m’est bien plus précieuse.
Horrifiées, les deux religieuses se signèrent. La plus âgée ne put s’empêcher de blâmer ce suppôt de Satan :
— Monsieur Kane, les femmes acceptent avec honneur et dignité de souffrir lorsqu’elles mettent au monde la descendance de leurs époux. Dieu a défini leur rôle sur cette terre et il ne vous appartient pas de le changer.
— Vraiment, ma sœur ? Puisque vous connaissez aussi bien les douleurs de l’enfantement, puis-je espérer que vous remplaciez ma femme la prochaine fois ? Une seule nuit suffira pour assurer ma lignée. Grâce à Dieu, je suis fertile.
— Monsieur Kane, ni votre titre ni votre arrogance ne m’impressionnent. Lorsque votre domestique s’est présentée à nos portes, nous avons longuement hésité à venir ici. Le fait que vous assistiez à cet accouchement prouve déjà que vous ne respectez aucunement les directives de l’Église. Vous égratignez le nom de notre Seigneur en abritant ce juif, cracha-t-elle en décochant un regard dénué de compassion au mire, mais de plus, nous n’ignorons pas que votre première épouse s’est réfugiée au couvent afin d’échapper à vos sévices.
— Mes sévices ? Oh, dois-je comprendre que lui faire l’amour était considéré comme un acte passible du bûcher ?
L’autre religieuse termina la toilette du petit Lucas pour le placer dans les bras de sa mère. À son tour, elle toisa cet homme qui affichait autant d’irrespect envers leur Seigneur.
— Monsieur Kane, une bonne chrétienne ne peut accepter les relations charnelles si ce n’est dans l’intention de procréer. J’ai rencontré votre première épouse lors d’une visite au couvent des Cordeliers à Paris. Elle portait encore sur sa conscience cet attrait sauvage qu’elle avait ressenti pour vous. Nous espérons que sa délivrance prochaine apportera enfin la paix à son âme.
— Sa délivrance prochaine ? répéta Clayton.
— Notre sœur est gravement malade. Je me suis rendue à son chevet pour la soigner à la demande de la mère supérieure. Hélas ! son temps sur cette terre est compté et nous prions chaque jour afin que Dieu accueille cette pauvre brebis égarée.
Isolde fixa son mari qui ne semblait nullement bouleversé par cette nouvelle. Même si elle n’avait jamais porté Sophia dans son cœur, elle ne pouvait imaginer qu’il puisse abandonner sa première épouse sans un adieu.
— Clayton, vous devez vous rendre auprès d’elle.
— Je ne peux pas te laisser seule alors que notre fils vient à peine de naître.
— Je vous en prie, mon amour. Certaines situations exigent d’oublier les anciennes rancunes. Si vous ne le faites pas pour Sophia, faites-le pour Aldric.
— Je vais lui en parler. S’il désire revoir sa mère, je respecterai sa décision.
Clayton se pencha vers Isolde pour déposer un baiser sur ses lèvres. Le courroux marqua le visage des deux matrones qui condamnaient, comme tous les religieux, les effusions publiques. Cet homme était sans aucun doute un émissaire du diable.
— Monsieur Kane, nous nous retirons. Sachez que dans notre grande bonté, nous prierons pour votre âme.
— Ne prenez pas cette peine, mes sœurs. Dieu m’en a dépourvu afin de mieux me doter dans d’autres domaines.
Les deux femmes se signèrent à nouveau, pressées de fuir cet antre du péché. Malgré sa fatigue, Isolde ne put s’empêcher de rire.
— Pourquoi prenez-vous toujours un malin plaisir à perturber ces pauvres créatures ?
— Ne penses-tu pas que ce sont elles qui me perturbent ? Je ne me ferai jamais à l’idée qu’une femme puisse déceler les secrets de mon âme si elle ne m’a pas enlevé tous mes vêtements.
— Clayton Kane, sortez d’ici avant que le courroux divin ne vous foudroie ! rétorqua Isolde qui au fond d’elle était plus amusée que choquée.