Extrait

Le Destin des Cœurs
perdus Tome 1 :

Les damoiselles
de Castel Dark

Le Destin des Cœurs Perdus Tome 1 en broché.
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Le Destin des Cœurs Perdus Tome 1 en e-book.
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La gouvernante jeta un regard craintif vers la porte, comme si elle redoutait la venue inopinée de William de Percival qui la réprimanderait certainement pour ses bavardages. Prudente, elle se pencha vers la table. Trois têtes, si proches que leurs nez se touchaient presque, suivirent son mouvement.

— Il se dit qu’Eryne a pleuré pour la première fois lors de sa nuit de noces, chuchota-t-elle.

— Pour quelle raison ? demanda Ilyana.

— Sir William n’était guère tendre et prévenant vis-à-vis d’elle.

— Je refuse d’y croire ! Tous les gestes et mots de grand-père sont empreints de tant de douceur.

— Il arrive qu’un homme change. Ses cicatrices, sa réserve et son air hautain terrorisaient Eryne. Sir William ne comprenait pas ses peurs et en ressentait une douloureuse déception. Le temps et le silence ont détruit leur couple, jusqu’à…

— Jusqu’à… ?

— Devant se rendre à Londres pour traiter d’affaires avec le roi, le comte a rejoint Eryne dans sa chambre pour l’en informer. Enveloppée dans le drap blanc de sa couche, telle une déesse de l’Olympe, elle s’est tournée vers lui. Ils se sont dévisagés comme un amant et une maîtresse incapables de refréner leur désir.

Les joues roses de plaisir, les damoiselles s’agitèrent sur leur tabouret.

— Et après ? s’impatienta Jane.

— Après ? Ma mère les a laissés seuls.

— Pff, nous n’en saurons donc pas plus.

— À moins de poser la question à grand-père, murmura Ilyana.

— Pauvre enfant, n’en faites rien ! s’écria Marguerite.

— Votre histoire ne nous apprend pas pourquoi Eryne éprouve toujours ce chagrin.

— J’y viens ! Après le départ de son mari pour Londres, elle a enfin retrouvé sa joie de vivre. Hélas ! quelques mois plus tard, la peste l’a emportée. Dès le retour de sir William, ma mère a dû lui annoncer la mort d’Eryne cinq jours auparavant.

— Ils n’ont pas eu le temps de se dire adieu, remarqua Ilyana d’une voix affligée.

— Écroulé de douleur, le comte s’est cloîtré dans la chapelle. Peu après, il a demandé à ma mère si Eryne avait reçu sa lettre, mais elle l’ignorait.

— Que contenait-elle ?

— Seul votre grand-père le sait.

— Peut-être lui avouait-il qu’il l’aimait ? L’espoir aurait gagné le cœur d’Eryne et…

— La peste l’aurait tout de même emportée ! interrompit Marguerite.

— Et si…

— Et si ! Et si ! De vaines suppositions ne changeront pas le cours de l’histoire.

— Si nous retrouvions ce pli, Eryne pourrait enfin reposer en paix.

Dérangées par un bruit en provenance de la porte, les quatre bavardes sursautèrent. Précédée d’une odeur nauséabonde, Aelis pénétra dans la chambre.

— Victoire ! J’ai botté les fesses du fils de la cuisinière !

— Et qu’a-t-il donc fait pour vous déplaire ? se renseigna dame Marguerite.

— Il a osé me traiter de vipère.

— Quel courageux garçon !

— Et perspicace ! ironisa Jane.

Horrifiée par la tenue négligée de sa sœur, elle baissa les paupières. Son odorat se substitua à sa vue afin de permettre à son cerveau d’analyser la puanteur de la pièce. Les images des chevaux, des cochons et de l’étable défilèrent dans son esprit. Elle ouvrit les yeux.

— Mon Dieu, tu es couverte de fumier !

— Moi, je n’en ai pas mangé. George, oui !

Grâce à Dieu, son appui sur la table empêcha la gouvernante de chanceler. Cette petite mettait encore sa patience à rude épreuve.

— Dame Marguerite, je suis disposée à reprendre ma broderie, la brava Aelis.

— Sortez bien vite !

Dans une révérence moqueuse, l’enfant lui tira la langue. Ses sœurs éclatèrent de rire au nez et à la barbe de Marguerite.

Image créée par IA avec Bing Creator.
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